France/Australie : “Crise des missiles ”

Paris rappelle ses ambassadeurs à Canberra et Washington : un acte inédit

19/09/2021

La décision de l’Australie d’annuler le contrat d’achat de sous-marins français au profit des navires américains à propulsion nucléaire a suscité une grande colère et une profonde indignation chez Paris.

Un acte diplomatique sans précédent s’ensuivit. Le président Emmanuel Macron a rappelé immédiatement les ambassadeurs de France à Canberra et à Washington pour consultations.

Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, s’exprimant sur la chaîne de télévision publique «France 2», samedi, a évoqué une «crise grave» et dénoncé une «duplicité» de Canberra et Washington.

«Il y a eu mensonge, il y a eu duplicité, il y a eu rupture majeure de confiance, il y a eu mépris, donc ça ne va pas entre nous», a-t-il déclaré. Le retrait desdits ambassadeurs a été qualifié par le chef de la diplomatie française d’acte «très symbolique» visant à «montrer à nos pays anciennement partenaires que nous avons un très fort mécontentement, qu’il y a vraiment une crise grave entre nous».

D’autre part, bien que la Grande-Bretagne fasse partie du pacte de sécurité tripartite (USA, Australie, Grande-Bretagne) annoncé mercredi, instaurant un partenariat stratégique contre la Chine, le rappel de l’ambassadeur français à Londres a été jugé inutile. Le Drian a ironisé : «On connaît leur opportunisme», ajoutant que «la Grande-Bretagne dans cette affaire, c’est quand même un peu la cinquième roue de carrosse».

Par ailleurs, en réaction aux accusations de la France, selon lesquelles Canberra avait menti sur son intention de rompre le méga-contrat en question, le Premier ministre australien Scott Morrisson a affirmé qu’il avait fait part « il y a quelques mois » de ses inquiétudes à ce sujet».

« Je pense qu’ils auraient eu toutes les raisons de savoir que nous avions de profondes et graves réserves quant au fait que les capacités du sous-marin de classe Attak ne répondraient pas à nos intérêts stratégiques et nous avions clairement indiqué que nous prendrions une décision basée sur notre intérêt stratégique national», a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse à Sydney.

«Je ne regrette pas la décision de faire passer l’intérêt national de l’Australie en premier. Je ne le regretterai jamais», a-t-il ajouté, déclarant qu’il aurait été «négligent» d’aller de l’avant contre les conseils des services australiens de renseignements et de la défense.

De son côté, le ministre australien de la Défense Poter Dutton, a insisté sur le fait que Canberra avait été tout à fait « franc, ouvert et honnête » avec la France sur ses inquiétudes et ses préoccupations concernant l’accord qui a eu l’inconvenance de dépasser les prévisions budgétaires et pris de longues années de retard.

A ce propos, Dutton a déclaré avoir personnellement exprimé ces préoccupations à son homologue français, Florence Parly. Selon lui, Canberra n’était pas en mesure d’acheter des navires à propulsion nucléaire français, en raison des opérations de maintenance qui doivent avoir lieu obligatoirement tous les dix ans et qui prévoient, en outre, un rechargement de combustible nucléaire, ce qui n’est pas le cas de sous-marins américains justifiant amplement le choix de ces derniers. Là-dessus, une autre raison corrobore cette option : l’Australie ne dispose d’aucune centrale nucléaire.

Il convient de rappeler que la France avait signé en 2016 un énorme contrat de 90 milliards de dollars australiens(56 milliards d’euros) pour la fourniture à l’Australie de 12 sous-marins à propulsion diesel, largement qualifié de «contrat du siècle» au vu de son ampleur et ses visées stratégiques dont notamment contrer la prédominance offensive de la Chine au Pacifique.

Le ministre français des Affaires étrangères a estimé que des suites des derniers développements, la crise des missiles pèserait sur la définition du nouveau concept stratégique de l’Otan mais sans pour autant envisager une sortie de l’alliance atlantique.

«L’Otan a engagé une réflexion, à la demande du président de la République, sur ses fondamentaux. Il y aura au prochain sommet de l’Otan à Madrid l’aboutissement du nouveau concept stratégique. Bien évidemment, ce qui vient de se passer aura à voir avec cette définition», a souligné Jean Yves Le Drian.

«Mais il faut qu’en même temps, l’Europe se dote de sa boussole stratégique et ce sera sous la responsabilité de la France au premier semestre 2022», a-t-il ajouté évoquant la présidence de l’Union européenne au 1er janvier.

L’amiral Rob Bauer, qui préside le comité militaire de l’Alliance atlantique, a néanmoins minimisé l’impact de cette affaire jugeant qu’elle n’affecterait pas «la coopération militaire» au sein de l’Organisation.

Le porte-parole du département d’Etat américain, Ned Price, quant à lui, a rappelé samedi l’importance de la relation franco-américaine. «La France est un partenaire vital et notre plus ancien allié et nous estimons que notre relation est extrêmement précieuse», a-t-il ajouté.

Rachid Meftah


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