​Omar Seghrouchni : Il faut renforcer les consciences et les positions citoyennes pour que chacun puisse éviter d’être un “produit manipulable”

28/01/2019

Derrière son calme olympien se cache un homme déterminé. En nous accueillant au siège de la Commission 
nationale de contrôle de la protection des données à caractère personnel (CNDP), institution qu’il préside depuis novembre dernier, après en avoir été membre depuis des années, Omar Seghrouchni n’a éludé aucune question. Fort d’une vie professionnelle intense où il a assuré plusieurs postes de responsabilité et de management dans le domaine du conseil et d’architecture des systèmes d’information, il porte un regard acéré sur les problématiques liées à la protection des données ainsi que les solutions à apporter. 


Libé : Quelles sont vos priorités depuis votre nomination à la tête de la CNDP en novembre dernier ?

Omar Seghrouchni : Mes priorités sont multiples. Elles couvrent différents chantiers : continuer à faire connaître leurs droits aux citoyens en termes de protection des données à caractère personnel, renforcer le respect de la loi 09-08 par les différents responsables de traitement, confirmer la synergie entre la CNDP et ses différents partenaires. Tout cela, dans un contexte où la sensibilisation au respect de la vie privée numérique constitue un enjeu majeur. Mais n’oubliez pas que la protection des données à caractère personnel ne concerne pas que le monde dématérialisé du digital mais également le monde très matériel du «papier» et des autres supports.

Quels sont les moyens mis en place afin de sensibiliser la société civile au sujet de la protection des données personnelles ?
Nous aurons recours à différents moyens. Certains sont classiques : sensibilisation par voie de presse, organisations de conférences et de journées d’étude, publications, impulsion de cursus de formation dédiés à la problématique. comme nous le faisons avec les universités de la région de Fès-Meknès, dans un premier temps, avant de l’aborder avec d’autres régions. D’autres moyens seront à inventer en collaboration avec les acteurs de la société civile que nous avons commencé à rencontrer depuis quelques jours, et avec qui nous envisageons d’organiser des activités en ce sens.

Un numéro vert serait-il utile dans ce sens ?
Bien sûr qu’il sera utile. Un travail avec les opérateurs des télécommunications et avec le régulateur doit nous permettre de traiter cela assez rapidement. Cependant, il faudra structurer la typologie des échanges qui se feront au travers de ce canal. Son usage devra rester compatible avec les moyens légaux de formalisation des plaintes. 

Comment sensibiliser les citoyens sans pour autant rogner leur liberté ?
Le principe de toute sensibilisation est que la personne ciblée reste maîtresse de son jugement. Il ne s’agira en aucun cas de porter atteinte, ni directement, ni indirectement, à sa liberté d’appréciation et de jugement. Au contraire, il est question de renforcer les consciences et les positions citoyennes pour que chacun puisse éviter d’être un « produit manipulable » par des « idéologies du numérique » qui ne sont pas toujours respectueuses des intérêts des internautes citoyens.

Dans le cas des réseaux sociaux, à savoir de grandes entreprises internationales, la CNDP peut-elle leur demander des comptes en cas d’infraction avérée ?
Dans le principe, évidemment. Et la CNDP le fera. Pour être pragmatique, il faudra analyser et s’appuyer sur les expériences en cours de construction en Amérique du Nord, en Europe et ailleurs dans le monde. Il faudra le faire avec des alliés sérieux et crédibles, engagés dans la défense de la vie privée numérique des citoyens.

Le trafic illégal de base de données, un business en pleine expansion, représente-t-il un problème insoluble ?
Non, ce n’est pas insoluble. Cependant, il faut arracher l’adhésion de tous, celle de ceux qui vendent, celle de ceux qui achètent et celle de ceux qui utilisent. Et cela peut prendre du temps et s’avérer difficile. Ce sujet va constituer une de nos priorités opérationnelles. Nous préparons une annonce sur la question. Nous nous engageons à communiquer trimestriellement sur ce point avec des indicateurs mesurables.

S’agissant des prospections directes par Emailing ou Sms, y a-t-il un moyen efficace pour les réguler ?
Un travail avec les opérateurs des télécommunications, avec les fournisseurs de services à valeur ajoutée, mais aussi avec le régulateur doit nous permettre d’y voir clair très rapidement, afin d’envisager sereinement des mesures pragmatiques. 

Enfin, les ressources de la CNDP pour mener à bien ce rôle de pédagogue et de contrôleur, sont-elles suffisantes ?
Sans langue de bois aucune, elles ne sont pas suffisantes vu les ambitions que nous avons pour cette institution essentielle de l’écosystème numérique de notre pays. C’est un des chantiers à mener. Aussi prioritaire, voire plus prioritaire, que les autres. Je reste convaincu que ce n’est pas le plus difficile. 
 

​Voici comment vous pouvez saisir la CNDP
Il existe trois voies distinctes pour porter plainte auprès de la Commission nationale de contrôle de la protection des données à caractère personnel. Tout d’abord via courrier à l’adresse suivante : Angle Boulevard Annakhil et Avenue Mehdi Ben Barka, Immeuble Les Patios, 3ème étage Hay Riad - Rabat Maroc. Ensuite par email à l’adresse : plainte@cndp.ma. Enfin, la troisième voie c’est l’envoi de la plainte en ligne sur le site web : http://www.cndp.ma/plainte. 
Une fois votre plainte envoyée, un accusé de réception vous sera adressé par le service concerné au CNDP.  


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