Washington et les Européens étalent leurs divisions sur les jihadistes détenus en Syrie

La demande américaine se heurte au refus de nombreux pays de reprendre leurs ressortissants qui ont combattu dans les rangs jihadistes

16/11/2019

Les Etats-Unis et les Européens ont étalé jeudi leurs divisions sur le sort des jihadistes étrangers détenus en Syrie, lors d'une réunion au cours de laquelle Washington a tenté de rassurer ses alliés ébranlés par les volte-face successives de Donald Trump.
"Les membres de la coalition doivent rapatrier les milliers de combattants terroristes étrangers actuellement en détention, et les juger pour les atrocités qu'ils ont commises", a martelé le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo à l'ouverture de cette rencontre à Washington avec ses homologues de la coalition internationale contre le groupe jihadiste Etat islamique (EI).
Le gouvernement américain demande de longue date à tous les pays de reprendre les milliers de jihadistes qui se trouvent dans les prisons kurdes du nord-est syrien. Mais la récente offensive turque dans la région contre les forces kurdes, qui a fait craindre que les prisonniers ne parviennent à s'évader, a remis leur sort au coeur des préoccupations.
"Nous pensons qu'il devrait y avoir un sentiment d'urgence à les rapatrier maintenant, tant qu'il est encore temps", a prévenu le coordinateur de l'action contreterroriste des Etats-Unis, Nathan Sales.
Mais les participants se sont quittés sur un constat de désaccord.
La demande américaine se heurte au refus de nombreux pays, dont la France, de reprendre leurs ressortissants qui ont combattu dans les rangs jihadistes, pour ne pas heurter une opinion publique échaudée par les attentats des dernières années en Europe.
Le chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian a d'ailleurs réaffirmé à Washington que les jihadistes français devaient "être jugés au plus près des crimes qu'ils ont commis". Il a insisté pour que les acteurs sur le terrain garantissent "à tout prix" leur "détention sûre et durable" afin "d'éviter qu'ils repartent dans le combat".
La France tente notamment de négocier avec Bagdad pour que la justice irakienne puisse s'en charger.
"Il serait irresponsable de la part d'un pays d'attendre de l'Irak qu'il résolve ce problème à sa place", a répondu Nathan Sales. "Demander à des pays de la région d'importer les combattants étrangers d'un autre pays, et de les juger et écrouer là-bas, ce n'est pas une option viable", a insisté le responsable américain, balayant aussi les hypothèses de tribunaux internationaux.
C'est Paris qui avait réclamé une réunion d'urgence de la coalition après l'offensive de la Turquie. En annonçant le retrait des forces américaines, le président des Etats-Unis avait laissé le champ libre à cette opération turque, qui visait pourtant les forces kurdes, alliées des Américains dans la lutte antijihadistes.
Une nouvelle crise syrienne qui "menace" les succès de la coalition, selon le communiqué final de la réunion.
Car le constat est unanime: malgré l'éradication, au printemps, du "califat" territorial instauré depuis 2014 par l'organisation jihadiste sur un vaste territoire à cheval entre la Syrie et l'Irak, et malgré la mort de son chef Abou Bakr al-Baghdadi, lors d'une opération américaine fin octobre, l'EI reste une menace.
Après avoir annoncé un retrait total de Syrie, Donald Trump a changé de cap plusieurs fois, finissant par annoncer qu'une "force résiduelle" resterait en Syrie pour "protéger" des champs de pétrole.
Ses alliés attendaient donc une clarification sur la stratégie américaine pour décider de l'avenir de leur propre participation sur le terrain syrien.
Ces derniers jours, les membres de l'administration Trump se sont donc employés à les rassurer.
Mike Pompeo a promis que les Etats-Unis continueraient de "diriger la coalition, et le monde" dans la lutte anti-EI.
Le ministre de la Défense Mark Esper avait auparavant précisé que le Pentagone maintiendrait quelque 600 militaires en Syrie. Et tous les responsables américains assurent que la mission première de ces soldats reste la guerre contre les jihadistes -- alors que la référence à la protection des champs de pétrole a ulcéré plusieurs alliés.
"Nous avons redéployé certaines de nos troupes dans le nord-est de la Syrie, et plus largement dans la région, pour faire en sorte que l'EI ne renaisse jamais de ses cendres, et l'empêcher de reprendre les champs pétroliers", a expliqué Mike Pompeo, tentant de concilier ces deux missions.
A l'issue de la réunion de jeudi, Jean-Yves Le Drian a salué l'engagement de tous les acteurs de la coalition à éviter "de prendre des initiatives unilatérales sans consulter" les autres membres, surtout si elles peuvent "remettre en cause" les efforts communs -- dans une allusion claire aux récentes décisions de Washington et d'Ankara.


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