Nouveau modèle de développement au Maroc et coordination au sein du secteur public

04/11/2019

« …L’étape, qui s’amorce dès à présent, requiert une implication unanime, fondée sur une confiance redoublée, une volonté ferme d’œuvrer dans un esprit de collaboration et d’unité, une mobilisation vigilante ; elle doit aussi se caractériser par le souci de transcender les vaines querelles et d’enrayer toute perte de temps et d’énergie…. …Par ailleurs, grâce au concours de l’Administration placée sous son autorité, le gouvernement doit veiller à l’exécution efficace des décisions, en mettant en place les ressources adéquates, plus particulièrement les données statistiques, les mécanismes d’inspection et de contrôle. Il doit aussi veiller à ce que les différents intervenants œuvrent dans un esprit de transparence, de collaboration, d’harmonie… », a déclaré Sa Majesté le Roi Mohammed VI dans le discours qu’il a prononcé à l’occasion de l’ouverture de la première session de la quatrième année législative de la 10ème législature. La coordination reste parmi les défis les plus anciens d’un Etat. Dès que le gouvernement grandissait en termes d’interventions publiques, et qu’il était suffisamment différencié pour que plusieurs organisations fournissent des services différents ou le même service de différentes manières, la coordination est devenue une vraie problématique dans la gestion des affaires de l’Etat. A cet effet, le secteur public s’implique dans un nombre croissant d’activités et élargit son architecture de compétences d’intervention pour couvrir des espaces géographiques plus vastes. Ainsi, la coordination devient rapidement un vrai chantier crucial de l’Etat. D’une autre manière, on peut dire que plus l’administration publique évolue, plus l’incohérence et l’impossibilité de développer ou d’imposer une approche à travailler ensemble sont perçues comme l’une des principales causes des nombreux échecs de la gestion des affaires publiques. Aussi, il faut dire que l’exécutif est intrinsèquement multi-organisationnel sur les plans fonctionnel et territorial. De ce fait, les différents champs d’intervention publique reflétés dans leur nature multi-organisationnelle affectent souvent la qualité des processus de décisions publiques, surtout dans un système multi-acteurs et une demande accrue des citoyennes et citoyens d’un service public rapide, proche et de qualité. Dans le cadre de la faiblesse de la coordination dans la gestion des politiques et des programmes publics, on constate souvent qu’une organisation publique ne semble même pas avoir les informations les plus élémentaires sur ce que font les autres parties, et les personnes impliquées ne semblent pas se soucier des actions de leurs homologues ailleurs. Aussi, les échecs de la coordination sont particulièrement contrariants pour les managers du secteur public ainsi que pour les autres acteurs. Sur le plan politique, les programmes mal coordonnés font tous partie du même gouvernement et devraient donc pouvoir fonctionner ensemble dans l’objectif de fournir un service public de qualité. De quoi s’agit-il en termes de coordination dans le secteur public ? En termes de conceptualisation de la coordination du secteur public, la coordination est perçue de plusieurs manières. L’important dans le concept est que la déficience en coordination compromet la capacité de l’administration publique à fournir des résultats intégrés dans une perspective d’efficacité et de performance. Dans le contexte inter-organisationnel de l’administration publique, la coordination est considérée comme un instrument et un mécanisme visant à améliorer l’alignement volontaire ou forcé des tâches et des efforts des organisations du secteur public, et ce dans le but de créer une certaine cohérence et de réduire les redondances, les lacunes et les contradictions au sein des politiques et programmes publics, de leur mise en œuvre ou de leur management. Toutefois, malgré que la coordination soit un terme familier, un certain nombre d’autres termes ont été utilisés dans le même domaine général en matière de management public tels que la coopération et la collaboration. Pour clarifier cette famille de concepts, la coopération est considérée comme un moyen plus temporaire et informel de créer des relations mutuellement bénéfiques pour les organisations. La coopération peut aussi représenter des schémas de collaboration plus durables, et peut-être quelque chose qui se rapproche du niveau d’intégration. La collaboration est traitée en tant que mode d’interaction entre organisations et elle pourrait aussi être considérée en tant que sous-ensemble de la coordination, dans laquelle la coopération et le « travail en commun » sont volontaires et fondés sur des accords normatifs. D’autre part, la collaboration représente quelque chose de plus éphémère en termes d’accords de collaboration entre organisations Par contre, la coordination est supposée être dans le cadre de structures et procédures plus formelles conçues pour imposer une plus grande coordination entre les individus et les organisations. Ainsi, une bonne partie de la coordination ne résulte pas d’un accord, mais elle est plutôt a résultante soit de la contrainte, soit de l’utilisation d’incitations et il serait certainement bénéfique si la coordination pourrait s’appuyer sur des normes communes. Concernant les organisations dans le secteur public, la coordination en tant que concept est très étroitement liée à la question de l’intégration, sachant que celle-ci devrait être perçue en tant que processus plutôt que résultat. L’intégration et la gestion intégrée sont parmi les principes fondamentaux des organisations publiques, qui corrigent la différenciation qui est elle-même une conséquence de la spécialisation. L’objectif ultime de la coordination pour les gouvernements au niveau central, restera toujours la consolidation du rôle du centre politiquement et administrativement dans le renforcement de la cohérence des politiques publiques et de leur mise en œuvre. Dans cette perspective, la coordination au sein du secteur public concerne surtout les comportements des organisations du secteur public, car elles pourraient intervenir au sein de la même équipe et coopérer pour fournir de meilleurs services aux citoyennes et citoyens. En outre, sachant que le management de la chose publique connaît une certaine transformation vers le paradigme de la gouvernance publique, on assiste aussi à un besoin grandissant et croissant pour les organisations du secteur public de coordonner leurs activités avec celles des autres composantes de la société, qu’elles soient à but lucratif ou non. A cet effet, la plupart des initiatives des secteurs publics comportent dorénavant des éléments de partenariat entre les secteurs public et privé ainsi que le secteur associatif. Il est donc nécessaire de penser à la coordination à travers cette frontière perméable entre l’Etat et la société. On parle ainsi, de gouvernance intégrée pour faire la différence avec la gestion administrative intégrée orientée, surtout, vers la coopération entre organisations du secteur public. Les pratiques de la coordination peuvent aussi être évaluées par rapport à la forme verticale ou horizontale. La coordination horizontale se réfère aux formes de coordination entre organisations publiques du même niveau hiérarchique au sein du gouvernement (ministères, départements, établissements publics, etc). Par contre, la coordination verticale se caractérise par une organisation avec des niveaux inférieurs (décentralisés ou déconcentrés). Les questions de coordination verticale prennent de l’importance au fur et à mesure que la gouvernance multi niveau devient un défi plus courant pour le pouvoir exécutif. La dernière dimension de la coordination à prendre en considération est la convergence des politiques publiques ou « coordination politique ». Elle est profondément liée aux dimensions politique et administrative. Dans les deux cas, le défi de la réussite restera fortement lié à la capacité de faire en sorte que les politiques publiques fonctionnent ensemble une fois qu’elles ont été adoptées et mises en œuvre. Ce type de coordination nécessite de s’intéresser aux comportements des acteurs politiques responsables de la fabrique des politiques publiques, plutôt qu’à la gestion des managers administratifs impliqués dans le processus d’exécution et de mise en œuvre. Dans cette perspective, la logique de la convergence en tant qu’activité politique (menée par les responsables politiques) plutôt qu’administrative est que la légitimité et le pouvoir politique sont indispensables pour obliger les organisations publiques à sortir de leurs schémas habituels de mise en œuvre de politiques par le biais de « silos » indépendants. Fabriquer des politiques publiques efficaces et coordonnées exige que le pouvoir exécutif s’oppose à de nombreux schémas et cultures enracinés de modes de management public et de prise de décision. Il faut se mettre à l’évidence, que dans le chemin de mise en place d’une coordination et d’une convergence efficaces, des responsables administratifs seront peu favorables à s’engager dans ce type de bataille et ils pourront être un facteur de résistance au changement. Pour cela, les dirigeants politiques devront nécessairement utiliser leur pouvoir légitime au sein du gouvernement pour modifier de telles cultures de management.

Et si on essaie d’identifier les obstacles entravant la coordination dans le secteur public

La problématique de la coordination a en réalité plusieurs facettes, chacune résultant de l’incapacité d’aligner une politique ou un programme public avec d’autres. Ces derniers peuvent souvent se chevaucher, se dupliquer, voire parfois se contredire. Les exigences en matière de reporting, de contrôle, d’autorisations et de compétences sont souvent citées comme exemples de politiques et de programmes du secteur public qui se chevauchent et se contredisent parfois. Dans le cas, par exemple, de l’investissement au Maroc, au début des années 2000, les gouvernements se sont efforcés d’éliminer les doubles emplois constatés et les complexités dans les autorisations pour l’investissement. Les citoyennes et citoyens ressentent également les effets d’une mauvaise coordination lorsqu’ils doivent faire face aux différentes représentations du secteur public. Ainsi, les efforts fournis concernent les réformes orientées vers le «guichet unique » pour les services publics en général est un signe d’une exigence populaire visant à réduire les doubles emplois et les conflits de compétences. Malgré ces efforts, des citoyennes et citoyens peuvent être obligés de remplir plusieurs formulaires contenant les mêmes informations pour obtenir des services publics et la seule différence sera de faire les procédures à un seul endroit. Ce qu’il faudra faire dans un processus de coordination c’est d’avoir des formulaires et des procédures communs pour les mêmes séries de services ou d’autorisations publics dans le but d’éviter autant de redondances. Dans la réalité, il existe plusieurs autres obstacles pour une coordination efficace. Parmi eux, on citera le manque d’intérêt pour la coordination, car cette pratique nécessite sûrement la souplesse et la volonté de réfléchir collectivement aux politiques et administrations publiques d’une manière innovante et moins conventionnelle. Dans cette logique, les fonctionnaires et les organisations publiques travaillant d’une manière stéréotypée et dépendante des règles et des procédures généralement attribuées à la culture bureaucratique, dans ses aspects négatifs, peuvent ne pas vouloir adhérer à la philosophie de la coordination. En plus, le manque d’informations partagées sur le fonctionnement d’autres organisations publiques et la réticence de les partager sont susceptibles d’empêcher le travail en commun. En outre, le maintien de la culture du secret, qu’il soit professionnel ou non, mène aussi à une mauvaise coordination au sein de l’exécutif. L’hétérogénéité politique des coalitions gouvernementales peut également constituer un obstacle majeur pour les expériences cherchant à obtenir la coordination nécessaire. Ainsi, les différences politiques au sein d’un même gouvernement peuvent engendrer différentes priorités politiques qui rendront difficile la création d’une cohérence des politiques publiques. Enfin, l’obstacle qui est loin d’être le moins important pour une coordination efficace des politiques, est la question de la compétence qui est toujours une question cruciale dans un gouvernement démocratique. Pour que la compétence administrative fonctionne d’une manière efficace, il doit y avoir des schémas clairs de compétences pour agir et des objectifs identifiables qui seront budgétisés. En conclusion, le traitement de la question de la coordination restera toujours la principale préoccupation du pouvoir exécutif. Cependant, il n’existe pas de schémas systématiques sur la manière dont la coordination devra être gérée. Cela ne voudra pas dire qu’en présence d’une volonté politique et d’une adhésion totale des belligérants politiques dans un contexte de modernisation et de rationalité budgétaire, le gouvernement marocain n’arrivera pas à innover son propre schéma de coordination dans une nouvelle approche de gouvernance publique interactive et multiniveaux.


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