Mactar Ndoye : Le racisme infecte malheureusement tous les continents et toutes les régions du monde

15/05/2019

Mactar Ndoye est le secrétaire du groupe de travail intergouvernemental sur l’application effective de la déclaration et du programme d’action de Durban au Haut-commissariat des Nations unies aux droits de l’Homme.
Il a accordé cet entretien à Libé suite à une rencontre à l’Unesco à Paris sur la question de la lutte contre les discriminations.


Libé : L’Unesco a célébré la Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale. Depuis la déclaration et la mise en place du programme de Durban, quel est le bilan  de cette action au niveau international ?  
Mactar Ndoye : Depuis Durban, il y a des choses qui sont faites au niveau national. Certains Etats ont lancé leur plan d’action sur la base de Durban. Je crois qu’il y a une meilleure connaissance du phénomène du racisme depuis la rencontre de Durban en termes de définition et d’identification des victimes. Il y a aussi des pays qui ont adopté de nouvelles législations suite à nos recommandations. Des formations sont aussi mises en place pour les journalistes et pour la société civile pour sensibiliser contre le racisme. Durban a permis de changer et d’améliorer beaucoup de choses. Mais tout cela n’est pas suffisant, il y a le problème de l’éducation et aussi de la volonté politique. On ne fait pas assez d’efforts pour refaire les manuels scolaires et améliorer les choses y compris pour les juges, les avocats et les policiers.

Aujourd’hui on vit dans un monde contradictoire. On a vulgarisé les droits de l’Homme et la lutte contre le racisme grâce aux efforts de plusieurs Etats, mais en même temps, il y a une recrudescence  inquiétante du racisme et de la haine surtout sur les réseaux sociaux. Certains politiques de premier plan prêchent aussi des discours racistes. Que pensez-vous de cette situation ?
Malheureusement notre monde évolue ainsi entraîné par le phénomène de repli identitaire. Chacun l’explique à sa manière, certains parlent de l’idéologie suprématiste. Nous devons vivre avec Internet. Le discours de haine via le Net est multiplicateur,  mais on se demande pas  ce qui est criminalisable et ce  qui ne l’est pas. Le problème jusqu’à présent est d’avoir une définition internationale et consensuelle sur la nature du discours de la haine et ce qui est admis ou non. Le grand problème,  c’est de travailler avec les fournisseurs d’accès comme Google et YouTube sur la question du retrait, ce qui est très long pour le moment, mais avant de retirer quelque chose,  le dommage est déjà fait.  Ce problème n’est pas encore réglé  à savoir comment travailler avec les fournisseurs d’accès et avec leurs sponsors. Ceux qui tirent les cordons de la bourse sont responsables aussi. On a vu récemment qu’ils avaient du pouvoir. On doit donc travailler avec eux aussi et trouver une solution, ce qui n’est pas facile.

Dans votre intervention, vous avez déclaré que sur les questions du racisme et des discriminations, il ne faut pas exercer trop de pression sur les Européens et les Américains. Il faut aussi voir du côté des Asiatiques et des Africains et là  il y a aussi beaucoup de travail à faire.
Je n’ai pas dit qu’il ne fallait pas exercer de pression.  J’ai dit que le racisme existe partout. Il  ne faut pas polariser notre attention sur une seule région ; dans les pays occidentaux, au moins le débat existe. En  France, en Allemagne on peut parler du racisme sans problème. Les pays du Nord croient parfois que le débat contre le racisme les stigmatise. Le racisme malheureusement existe partout et sur tous les continents et dans toutes les régions du monde. Aborder le sujet du racisme dans le monde arabe ou dans d’autres pays va permettre à certains Etats de se sentir moins victimisés et aider toutes les régions à avoir un débat apaisé sur ces questions.

Comment voyez-vous la situation des droits de l’Homme dans un pays africain comme le Maroc ?
En tant que fonctionnaire des Nations unies, je ne peux pas porter de jugement sur la situation dans les pays. Le Maroc remet ses rapports au comité et est présent aux examens périodiques. Il y a des instances qui sont qualifiées pour parler des situations nationales.

Quelle est la situation en Afrique au sujet de la question du racisme et de la discrimination ?
Vous savez, tout existe en Afrique, on a nos problèmes ethniques et de racisme.  Tout le monde se retrouve dans l’acte 1 de la Convention qui définit les bases des discriminations raciales. C’est pour cela que je dis que le racisme existe partout et sur tous les continents. Il ne faut pas qu’on soit dans le déni, en Afrique et ailleurs.


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