La spirale monétaire mortelle au Zimbabwe

26/04/2019

Suite à l’élection de Mnangagwa, truquée ou non, les Zimbabwéens se rendent compte que Mnangagwa est simplement Mugabe dans un nouveau costume et avec une nouvelle rhétorique. La réalité en est une économie contrôlée parce qu’il s’agit essentiellement d’un syndicat du crime organisé: le Parti de l’Union africaine nationale-patriotique du Zimbabwe (ZANU-PF), le même syndicat qui a fait sombrer l’économie du Zimbabwe pendant plus de 35 ans.
Désormais, les Zimbabwéens savent aussi, grâce à l’expérience brutale de deux hyperinflations récentes, que les gouvernements de la ZANU-PF sont incroyablement incompétents en ce qui concerne la gestion budgétaire et monétaire du Zimbabwe.

Le lourd héritage de Mugabe
Au cours des 37 années de règne de Mugabe, l’économie du Zimbabwe s’est effondrée, en raison de plusieurs événements et épisodes notables. L'un d'entre eux était le programme accéléré de réforme agraire en 2000, dans le cadre duquel les terres des agriculteurs blancs étaient saisies. Des confiscations de terres ont eu lieu depuis 1980, mais dans le cadre de ce programme particulier, les exploitations ont été prises sans compensation. La Cour suprême du Zimbabwe a déclaré le programme inconstitutionnel, mais le gouvernement de Mugabe a ignoré cette décision.
Cet abus flagrant des droits de propriété et de la primauté du droit a été fatal pour l'économie. En effet, de 2000 à 2008, le PIB réel par habitant s'est contracté en moyenne de 8,29% par an. Au cours de cette période, le Zimbabwe a enregistré d'importants déficits budgétaires financés par la planche à billets et a connu le deuxième cas d'hyperinflation le plus grave de l'histoire. Le 14 novembre 2008, le taux d’inflation annuel a atteint un sommet de 89,7 sextillions pour cent par jour, ce qui rend les billets de 100 000 milliards de dollars du Zimbabwe sans valeur. En fin de compte, le gouvernement a été contraint de supprimer le dollar zimbabwéen, parce que les citoyens ont tout simplement refusé de l'utiliser.

Une monnaie réduite à néant
Le gouvernement de la ZANU-PF de Mugabe a commencé alors à libeller ses comptes en dollar américain en 2009. Cette dollarisation et la mise en place d'un gouvernement d'union nationale en 2009 ont entraîné une reprise de l'économie. Ce rebond a persisté pendant le mandat du gouvernement d’union nationale, qui a duré jusqu’en juillet 2013. Durant cette période, le PIB réel par habitant a augmenté à un taux annuel moyen de 11,2%. Le ministre des Finances, Tendai Biti, qui était membre de l'opposition, a compris que sous un régime dollarisé, le pays ne serait plus en mesure d’activer la planche à billets pour financer des déficits. En conséquence, les déficits budgétaires ont presque été éliminés.
Avec l’effondrement du gouvernement d’union et le retour de la ZANU-PF de Mugabe, les vieilles habitudes ont refait surface, et les déficits budgétaires ont explosé. Pour financer ses déficits en flèche, le gouvernement de Mugabe a commencé à émettre un nombre énorme de «dollars zimbabwéens» en 2013. Ce faisant, le Zimbabwe a abandonné la dollarisation et a commencé à émettre sa propre monnaie. Les nouveaux engagements monétaires émis par le gouvernement se présentaient sous deux formes: les obligations et les pièces, et les règlements bruts électroniques en temps réel (RTGS).
Il est important de souligner ici que la majorité de la presse financière fait une analyse erronée du régime monétaire du Zimbabwe. Les articles de presse indiquent souvent que l’origine des problèmes du Zimbabwe réside dans le fait qu’il ne dispose pas de sa propre monnaie. C’est faux ! C’est parce que le Zimbabwe crée ex nihilo sa propre monnaie qu’il n’arrive pas à s’en sortir. En témoigne le fait que les dollars zimbabwéens sont émis en parité avec le dollar américain, mais ils sont échangés au rabais par rapport au dollar américain. Il n’a pas fallu longtemps pour que l’émission excessive des dollars zimbabwéens génère une deuxième hyperinflation.

Commet sortir de l’ornière?
Tant que le Zimbabwe continuera à émettre ex nihilo son propre argent, le Zimbabwe restera en proie à cette spirale monétaire mortelle. En effet, le nouveau dollar zimbabwéen est une monnaie maligne et doit être supprimée. Si elle perdure dans le système monétaire, la loi de Gresham (la mauvaise monnaie chasse la bonne) conduira les dollars américains à fuir le système pour être placés «sous le matelas», provoquant une énorme «pénurie» artificielle de dollars américains.
Comment peut-on débarrasser le Zimbabwe de cette tumeur monétaire maligne avant qu’il ne tue le patient? Le gouvernement doit annoncer qu'il ne volera pas les détenteurs d'obligations et des RTGS. Ils ont été émis au pair avec le dollar américain et seront rachetés au pair par l’émetteur, c’est-à-dire le gouvernement du Zimbabwe. Le rachat au pair aura lieu sur une période de cinq ans. Pendant cette période, le gouvernement rachètera les obligations et les RTGS en les acceptant comme paiement d'impôts ou de tout autre prélèvement.
Si elle est crédible, l’annonce de la politique de rachat entraînera une montée de la valeur des obligations et des RTGS, créant ainsi des liquidités indispensables ainsi qu’une réhabilitation de la solvabilité du système financier du Zimbabwe. La spirale monétaire mortelle du Zimbabwe s’arrêterait brusquement. Pour réduire le stock des nouveaux dollars zimbabwéens au niveau de 2016, un milliard de ces dollars devrait être racheté par an, sur une durée de cinq ans. Ensuite, le patient pourra être considéré comme en réhabilitation, et alors son système monétaire sera considéré comme étant sain. Le Zimbabwe aura à nouveau une monnaie: le dollar américain.

 * Professeur d'économie appliquée à la Johns Hopkins University.
Article publié en collaboration avec Libre Afrique.


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