La réalisation des grands projets d’infrastructures nécessite près de 600 milliards de DH

La SNTL compte revenir à la gestion des gares routières

18/11/2019

«Les infrastructures de base ont largement contribué à l’essor du Maroc au cours de ces 20 dernières années. Aujourd’hui encore, de nouveaux chantiers s’ouvrent et promettent de nouvelles perspectives de croissance», a déclaré le président directeur général de la Chambre de commerce britannique pour le Maroc (Britcham), Mohammed Raihani.
Pilier indispensable du développement économique du Royaume, «le développement des infrastructures demeure un axe stratégique pour le Maroc», a-t-il souligné lors de la traditionnelle grande Conférence-débat de la Britcham tenue récemment à Casablanca.
Placée sous le thème « Le développement des infrastructures pour une meilleure économie », la rencontre a été l’occasion de braquer les projecteurs sur les mesures prises pour le développement des infrastructures au Maroc et les perspectives à venir  de ce secteur.
Au cours de leurs échanges, les panélistes ont également passé en revue  les grands projets d’infrastructures, à l’instar des ports de Dakhla Atlantique et de Kénitra Atlantique, de l’extension de la ligne à grande vitesse Marrakech-Agadir, du développement du ferroviaire et des nouvelles autoroutes.
Premier panéliste à livrer son analyse du bilan et des projections des différents chantiers lancés ou en cours de réalisation, Adil Bahi, directeur de la stratégie, des programmes et de la coordination des transports au ministère de l’Equipement, du Transport, de la Logistique et de l’Eau, s’est d’abord focalisé sur l’organisation qui a permis de réaliser les projets mis en œuvre.
Flash-back. « Le Maroc d’aujourd’hui n’est pas celui d’il y a 20 ans où nous ne comptions que 400 km d’autoroutes reliant les capitales administrative et économique du pays, 32.049 km de routes revêtues, une population rurale très peu desservie, un secteur de transport routier en souffrance, l’absence d’ouverture portuaire d’envergure sur la Méditerranée».
Pour mieux apprécier les avancées du Royaume en matière d’infrastructures, Adil Bahi a décrit le Maroc de jadis en ces termes : «Monopole d’exploitation portuaire de l’Etat (ODEP), un secteur aéroportuaire mal organisé, une destination Maroc monopolisée par la RAM, un service de transport ferroviaire de mauvaise qualité, une faible compétitivité logistique, une absence de stratégie, aucune plateforme dans le secteur de la logistique et un faible niveau d’aménagement du territoire».
Le déficit en termes d’infrastructures était tel que la priorité d’alors imposait de le combler afin de rattraper le retard. Ainsi, grâce à la vision à long terme de S.M le Roi Mohammed VI, le pays a été placé sur la voie de la mise à niveau dans tous les domaines, y compris celui des infrastructures. Et ce, à travers la politique de grands chantiers qui donnera un nouvel élan à l’ensemble des secteurs de l’économie nationale avec des projets de grande envergure et des programmes de développement humain et social ambitieux.
Une vision qui se déclinera en stratégies sectorielles ambitieuses avec des objectifs clairs dans les secteurs de l’équipement, du transport, de la logistique et de l’eau (plan Routes 2030, plan Rail 2040, Stratégie portuaire 2035, Stratégie logistique et Plan national de l’eau).
Dans la limite des ressources disponibles, l’Etat a ainsi mis en œuvre des mécanismes définissant des contrats et réalisé un certain nombre de projets dans le cadre des contrats-programmes Etat-ADM qui ont permis d’amener le linéaire autoroutier de 400km en 1999 à 1.800 km aujourd’hui; des contrats-programmes Etat-ONCF avec la réalisation du TVG, le doublement de lignes jusqu’à Oujda et Marrakech (2.295 km dont 1.473 km électrifiées); des contrats-programme Etat-RAM qui accompagneront la libéralisation du transport aérien ainsi que des contrats-programmes Etat-FNBTP qui assureront la mise à niveau du secteur BTP et l’amélioration de la compétitivité du secteur du transport routier de marchandises.
«Aujourd’hui, nous sommes à 80% du taux de désenclavement des populations rurales. Il y a 20 ans, nous n’étions qu’à 40%. 97% de la population rurale ont accès à l’eau et 100% des zones rurales sont raccordées à l’électricité», a souligné Adil Bahi estimant que le bilan est plus qu’honorable. De plus, il a signalé, entre autres projets, le complexe Tanger Med, Nador West Med actuellement en construction, etc.
Pour atteindre ces objectifs, il a fallu que le Maroc engage des réformes institutionnelles et réglementaires importantes comme celles du secteur portuaire et du transport routier. En plus de la libération des services du transport maritime de fret et de la refonte du Code de la route; la signature des accords internationaux importants (Open Sky, GATT, SGPC, etc.) et son adhésion aux principaux organismes mondiaux liés au commerce, a poursuivi le responsable ministériel.
Il s’en est suivi la création de nouveaux organes qui permettront la mise en œuvre et l’atteinte des objectifs tracés, à savoir : Marsa Maroc,  NWM, l’Agence marocaine de développement, l’Agence nationale des équipements publics et l’Agence nationale de la sécurité routière.
«Les financements propres de l’Etat n’étant pas suffisants, il a fallu recourir à d’autres modes de financement innovants dont l’Aide publique au développement (APD) obtenue sous forme d’emprunts concessionnels, le recours au marché financier domestique par des émissions obligataires à long terme, les prêts bancaires garantis ou non par l’Etat, les partenariats Etat-collectivités locales et le partenariat public-privé», a-t-il relevé.
«Aujourd’hui, le Maroc compte un patrimoine important de 1800 km d’autoroutes, 1.124 km de voies express, 54.000 km de routes dont 44.215 km revêtus, des complexes portuaires Tanger Med, port de Casa et Safi», a-t-il cité.
Malgré ces avancées et les réalisations qui ont suivi, le modèle actuel approche de son épuisement. Il a atteint ses limites à cause de la question du financement. « Le ratio de l‘endettement public atteint 65% du PIB, la marge de manœuvre budgétaire reste réduite, la garantie fournie aux EEP atteint un niveau important et  la convergence entre politiques publiques commence à  planter», a-t-il expliqué relevant une priorité au développement des infrastructures au détriment des opérations de préservation du patrimoine national en infrastructures.
Pour l’avenir, il a appelé à accroître l’efficacité de la gestion des projets d’infrastructures, à optimiser les nouveaux investissements, à sauvegarder les infrastructures existantes, à améliorer la qualité de service, à assurer plus de sécurité dans les transports, à améliorer les recettes dédiées au secteur et à assurer une gestion rationnelle du territoire à travers une implication des régions dans le développement et l’exploitation des infrastructures de proximité.
Soulignons enfin que plus de 350 milliards de DH ont été dépensés durant les 20 dernières années pour développer les infrastructures au Maroc et que les  grands projets prévus dans les feuilles de route nécessitent une enveloppe de près de  600 milliards de DH».
«La construction de l’infrastructure autoroutière au Maroc a nécessité un investissement global de 55 MMDH», a pour sa part révélé le directeur du développement d’Autoroutes du Maroc (ADM), Mohamed Chouh, soulignant qu’«ADM a permis la réalisation d’un réseau conséquent constitué de près de 1800 km d’autoroutes. Ce qui, en termes de linéaire, confère au Maroc un rang important parmi les pays de l’Afrique, voire de l’Europe.
«Durant la dernière décennie du siècle dernier, on avait une cadence de 40 km d’autoroutes réalisés par an. A partir de 2003, cette cadence a plus que doublé atteignant  85% / an jusqu’à 2010. A partir de cette année-là jusqu’en 2017, la cadence a continué à augmenter  pour atteindre 100km/an d’autoroutes», a relevé Mohamed Chouh.
La cadence a été telle qu’«on a pu desservir  les principales régions du pays,  huit des 12 chefs-lieux régionaux sont reliés au réseau autoroutier, les principaux aéroports du pays sont desservis par le réseau autoroutier, les principaux ports sont connectés par autoroute et les régions les plus éloignées des centres urbains sont accessibles», a-t-il poursuivi.
En outre, «Six Marocains sur 10 sont directement reliés au réseau autoroutier et  9 sur 10 sont à moins d’une heure de l’autoroute. Avec moins de 5% du réseau national, le réseau autoroutier capte plus de 25% de la circulation totale du Royaume», fait savoir Mohamed Chouh.
Revenant sur les principaux indicateurs, il a fait état de 1800 km d’autoroutes qui  comprennent plus de 1.000 ouvrages d’art, 465 voies de péage dont 170 automatiques, plus de 450.000 véhicules empruntant les autoroutes tous les jours et 780.000 abonnés  empruntant le passage électrique (Jawaz).
Des projets autoroutiers futurs au niveau de la région de Casablanca, on note le projet d’élargissement à 2x3 voies de l’autoroute Casablanca-Berrechid de 26 km pour un coût de 970 MDH, l’autoroute Tit Mellil-Berrechid (29 km, 1700 MDH), l’élargissement à 2x3 voies de l’autoroute de contournement de Casablanca (31 km, 900 MDH) et l’élargissement de la RR315 (9km, 300 MDH).
Il y a aussi le projet de l’autoroute Guercif-Nador qui permettra de desservir le port Nador West Med (105 km, 4,65 milliards de DH) sans oublier le projet de l’autoroute continentale (60 km pour un coût de 5 milliards de DH).
Commentant les retombées macroéconomiques de l’infrastructure autoroutière au Maroc, Mohamed Chouh  a indiqué qu’en plus de contribuer à la promotion des échanges commerciaux entre l’espace européen et l’Afrique, elle a contribué sensiblement à la baisse des accidents (elle est 4 fois plus sûre que le réseau secondaire), elle participe indirectement à l’amélioration des indicateurs économiques, à l’amélioration de l’attractivité des régions traversées, à la création d’emplois, à l’amélioration des conditions d’échanges commerciaux interrégionaux et d’exploitation des entreprises, au développement du tissu des entreprises locales et des opportunités de délocalisation, à l’éclosion de nouvelles zones d’habitation et d’activités, à l’élargissement des aires de chalandise, à la revalorisation du foncier et de l’immobilier des régions traversées ainsi qu’aux retombées fiscales au profit des communes traversées.
Sur le volet dépense, « l’ADM consacre annuellement près d’1 milliard de DH  à la préservation du patrimoine pour maintenir le niveau de service sur les chaussées des autoroutes, l’augmentation des gares de péage, la construction de nouveaux échangeurs et la réalisation  de passerelles».
De son côté, Aziz Alami Gouraftei, directeur général de la Société nationale du transport et de la logistique (SNTL), a axé son intervention sur  l’impact du développement des infrastructures sur le  secteur du transport et de la logistique, précisant qu’«au cours des deux dernières décennies, le Maroc a engagé une politique dynamique de développement des infrastructures pour répondre à l’expansion des échanges internationaux» qui consolide son positionnement actuel en tant que hub du commerce mondial.
Pour lui, deux types d’impacts sont à distinguer :  l’impact conjoncturel à court terme lié essentiellement à la demande d’inputs nécessaires à la réalisation du projet en termes de transport des matériaux et de manutention et l’impact structurel à long terme lié à la facilitation et à l’optimisation des déplacements des biens.
Sur le plan logistique, a-t-il poursuivi, «le développement des infrastructures routières a permis de mettre en place un schéma directeur des centres logistiques de classe A qui a permis de mutualiser les flux des marchandises, d’offrir une palette de services logistiques, de réduire les coûts de stockage, de mutualiser les moyens technologiques et d’augmenter le taux d’externalisation logistique des entreprises nationales et d’améliorer la performance logistique.
Sur le plan international, Tanger Med a attiré des acteurs mondiaux désirant bénéficier de l’avantage compétitif et géographique du Maroc pour se développer à l’international.
Au cours de son exposé, le DG de la SNTL a déclaré qu’une réflexion était menée depuis 2016 sur le repositionnement de la SNTL qui a des prises de participation dans certaines gares routières.
Cependant, il a été constaté que « les gares routières posent énormément de problèmes », a-t-il fait savoir relevant les limites du modèle de gestion directe par la commune et de gestion en concession par le privé.
« L’échec de ces deux modèles fait qu’aujourd’hui l’Etat nous redemande de nous réinvestir dans la gestion et l’implication des gares routières. Nous sommes donc en train de mettre en place un nouveau mécanisme pour reprendre un certain nombre de gares routières », a-t-il affirmé. Ce qui pourrait se traduire, dans certains cas, par des participations plus importantes, a-t-il précisé.
« Ce qui fait aujourd’hui la force du Maroc, c’est  le fait qu’on a pu lancer des stratégies sectorielles et des infrastructures en même temps et qu’on a mis en place les mécanismes et le cadre réglementaire avec les outils de gouvernance et de pilotage », a-t-il apprécié estimant toutefois que « nous ne sommes pas assez convergents entre public et public et public et privé ».
Changement de registre avec Jalal Benhayoun, directeur général de PortNet, qui a focalisé son intervention sur les infrastructures digitales communautaires en tant que levier accélérateur de la compétitivité du commerce et de la logistique.
S’il est avéré que des efforts ont été déployés par les uns et les autres, mais chacun de son côté, il est désormais impératif d’«accélérer davantage le travail en communauté en puisant dans l’intelligence communautaire qui  nous rendra tous plus compétitifs», a-t-il d’emblée souligné avant d’évoquer le challenge des opérateurs économiques face à la concurrence mondiale accrue.
A ce propos, le constat est que ces derniers doivent s’accommoder de services et procédures administratives très lourds, de la faible maturité des fournisseurs de services logistiques, de l’opacité du marché et des changements perpétuels, de la complexité des paiements et des règlements, des démarches administratives intrusives, de  la déficience des informations et des données de qualité et du manque de capacités digitales.
« Seules 10% des entreprises travaillant dans le transport et la logistique jugent assez matures  leurs capacités ou maturité de traitement d’analyse de données relatives  à la logistique», a-t-il déclaré.
Pour cela, il a expliqué qu’il est plus que nécessaire de réinventer un nouveau paradigme dans le service public avec une meilleure planification basée sur la prévision, une prise de décision basée sur des données réelles, une capture de  données non intrusive au business.
Il s’agit aussi de permettre la mise en place de procédures administratives alignées sur la réalité du business, de constituer la masse critique nécessaire à l’agrégation des expériences, de mettre l’information à la disposition de l’entreprise  et d’assister l’administration et l’entreprise dans la prise de décision au quotidien.
Parmi les nombreux services développés par PortNet pour aider les opérateurs économiques, son DG a cité le portail d’informations logistiques et commerciales à l’export et à l’import et une initiative visant l’inclusion des PME et TPE au commerce international.
Signalons qu’au niveau des services et procédures administratives en cours de finalisation, il a annoncé de nouveaux services pour l’année prochaine dont la suppression du dépôt du connaissement chez la douane et les autres partenaires, les prises de rendez-vous électroniques d’enlèvement des conteneurs des ports et des MEADs, le manifeste aérien et la coordination des inspections physiques du fret et les déclarations ICS via PortNet pour les marchandises exportées vers les pays de l’Union européenne.
Intervenant sur la coopération internationale, et plus précisément sur les mesures pour le développement des exportations depuis le Maroc, Ali Mehrez, chargé de mission à l'Agence marocaine de développement des investissements et des exportations (AMDIE), a d’emblée relevé un fait : «L’investissement et l’export vont de pair au Maroc et rien ne peut se faire sans infrastructures».
«En matière de commerce international, si on ne construit pas sur le plan règlementaire, rien ne peut se faire. Sur ce plan, le Maroc est bien placé notamment aux plans régional et africain », s’est-il réjoui citant les principaux accords préférentiels et de libre-échange conclus par le Royaume qui, selon lui,  donnent l’accès au marché à l’international. Concernant les dispositifs de protection des investissements, il a tout simplement rappelé qu’il n’y a aucune restriction pour l’investissement, que la liberté de transfert des revenus/bénéfices et l’accord de promotion et de protection réciproques des investissements et accords de non double imposition sont bien des réalités.
«Le Maroc a ratifié plusieurs conventions internationales relatives à la garantie et à la protection de l’investissement», a-t-il rappelé avant de conclure sur  les différents axes d’intervention de l’AMDIE, dont la coopération institutionnelle qui vise à favoriser le développement du courant d’affaires entre les entreprises marocaines et leurs homologues des pays partenaires.
« Ces accords sont un maillon supplémentaire de facilitation et de promotion», a-t-il conclu.


 


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