L’effet boule de neige des manifs de Jerada

08/01/2018

Les protestations s’étendent à d’autres villes et bourgades de la région

Le mouvement de protestation  à  Jerada ne semble pas être près de s’estomper. Plus, il s’est propage à Aïn Béni Mathar et Touissit, deuxième et troisième villes de la province. Des manifestations ont, en effet, eu lieu la semaine dernière  à Aïn Béni Mathar pour protester contre la précarité sociale et économique. Idem pour Touissit, ville portant riche en mines de plomb, de cuivre et de zinc.
« Ces deux villes se sentent également isolées et exclues et voient leurs jeunes rendre atrocement l’âme dans des mines de fortune. En 2017, deux jeunes de Touissit ont laissé leur peau dans ces mines », nous a indiqué Bachir Attrach, militant syndicaliste. 
Mais qu’en est-il de la dernière visite  du ministre de l'Energie et des Mines à  Jerada? « Il y a eu effectivement une réunion élargie avec  Aziz Rebah mercredi dernier au siège de la préfecture en présence notamment du wali d'Oujda, Mouaad Jamai, et du gouverneur de Jerada, Mabrouk Taber, des  élus locaux, des représentants des partis politiques et des syndicats, des représentants du mouvement de protestation et des ONG. L'objectif a été de débattre des voies et moyens à même de répondre positivement aux demandes sociales  des habitants, notamment les jeunes »., nous a déclaré notre source. Et d’ajouter : « Le ministre a parlé dans les médias, par la suite,  de la prochaine réalisation d’une étude géophysique sur les  mines censée permettre d’identifier et d’examiner «toutes les cavités et tous les vides souterrains afin de les sécuriser et de les préserver de tout effondrement éventuel» tout en indiquant que le gouvernement est conscient du fait qu'il est primordial de trouver un mode de développement alternatif pour la région. Mais pour nous, ces déclarations ne sont destinés qu’à faire le buzz et n’ont rien de consistant. Le ministre sait pertinemment que le peu d’autorisations d’exploitation des mines dans la province de Jerada ont été octroyées à des patrons voyous qui ne respectent ni le Code du travail ni le Code minier et n’investissent nullement leurs juteux gains dans la région. En effet, il n’existe pas d’entreprises minières dont les salariés touchent des émoluments dignes et qui sont déclarés auprès des organismes de prévoyance sociale. A l’inverse, ces patrons exploitent les jeunes de la ville et leur font prendre le risque d’extraire le charbon dans des conditions dangereuses et contre des sommes modiques ». 
Pis, notre source estime qu’il y a des tentatives d’obérer tout  dialogue avec la population locale. « Les autorités locales cherchent aujourd’hui à entamer séparément le dialogue avec chaque catégorie sociale à l’exclusion des autres. Notamment les mineurs de fortune considérés comme le point focal du mouvement de protestation. Nous avons même observé certaines manœuvres  visant à acheter le silence de la population», nous a-t-elle expliqué. 
Face à cette situation, les habitants de Jerada ne comptent pas mettre fin à leur mouvement de protestation. Des  débats  ont eu lieu sur les formes de lutte à entreprendre à l‘avenir.  « Pour nous, il n’est pas question de mettre un terme à notre lutte tant que nos revendications sociales n’ont pas été satisfaites », nous a précisé Bachir Attrach. Et de conclure : «La mobilisation forte des éléments de forces de l’ordre qui ont été renforcés dernièrement par des brigades de la Gendarmerie Royale en dit long sur le manque de volonté de l’Etat de mettre fin à ce conflit social ».
 

​Destins croisés


Les destins de Jerada et de sa mine sont liés. La mine a été à l’origine de la création de la ville, mais elle constitue aujourd’hui la source de ses problèmes. La fermeture de celle-ci a enrayé l’évolution de la ville, devenue un espace urbain déserté où dominent un habitat irrégulier, des terrains en friche, des bâtiments abandonnés et des espaces publics dégradés.
Flash-back sur ces destins croisés.
En 1936, Sa Majesté le Roi Mohammed V s’était rendu à Jerada pour le lancement de l’exploitation de la mine de charbon et pour la création de la cité ouvrière. Sur place, le regretté Souverain s’était inquiété des conditions de vie de la population. Le Souverain défunt s’était également intéressé de près à la refonte du règlement minier, la législation minière de l’époque étant caractérisée par un libéralisme excessif et le manque de dispositions rigoureuses en matière d’obligations et de conditions de travail. 
En 1948, le Général Juin, Résident Général de France au Maroc, visite lui aussi le site et, en 1962, Feu Sa Majesté Hassan II s’était également rendu sur place pour s’enquérir des conditions de travail du personnel de la mine.  
Le discours Royal du 18 mars 2003 à Oujda, puis la visite de Sa Majesté le Roi Mohammed VI en 2008, vont marquer un tournant décisif, non seulement pour la ville de Jerada, mais aussi pour la région orientale où d’ambitieux plans de développement ont été lancés et attendent de voir leurs fruits profiter à tous.



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