Bonnet d’âne

09/02/2010

 Dans son dernier essai, « Temps des crises », Michel Serres essaie de détricoter l’imbroglio des  évènements qui ont bouleversé le XXème siècle et transformé la condition humaine avec une radicalité sans précédent dans l’Histoire.

Ce fils de paysan, entré à l’Académie française par les chemins détournés de la Marine et de l’enseignement de la philosophe qui a l’art de s'adresser autant à la sensibilité qu'à l'intelligence conceptuelle, nous incite à l’optimisme, en tant que lutte lucide et capacité de construire et d’anticiper.

Son analyse étymologique du mot « crise » nous emmène aux confins de la médecine et du droit, tout en nous rappelant que, les hommes en blouses blanches et les biologistes ont découvert quelque chose de passionnant en questionnant ce que peut être la guérison. Si celle-ci est retour à l’état antérieur, alors toutes les conditions seront réunies pour revenir à la crise. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, si on revient en arrière, on reviendra forcément à la crise. D’où l’obligation de ne pas faire du vieux avec du neuf, mais d’inventer du nouveau.

Cette obligation s’impose à nous avec force. Particulièrement en ce qui concerne le secteur de l’enseignement dont la lente décrépitude n’a d’égale que la cohorte de chômeurs diplômés qui ne cesse de s’élargir. 

Si sous d’autres cieux, le débat sur l’enseignement tourne souvent autour de certaines questions cruciales, il tourne chez nous sinon à la foire d’empoigne, du moins à l’eau de boudin.


Pourtant, malgré la belle et rare unanimité qui semble avoir accompagné le projet de réforme du secteur, la tendance générale n’est pas à la revalorisation de l’école publique. Laquelle  est malheureusement perçue comme formée d’établissements de second ordre ou, pour employer une comparaison footballistique, de « divisions inférieures » alors que l’enseignement privé et les missions et écoles étrangères constitueraient la «1ère division ».

Une telle situation n’est pas inadmissible.

D’abord, parce qu’accepter une telle vision des choses constitue une insulte à ces milliers d’enseignants dont les qualités propres ne correspondent pas nécessairement aux établissements dans lesquels ils officient. La meilleure des preuves en est que c’est eux-mêmes qui constituent l’ossature incontournable du secteur privé tant vanté.

Ensuite, parce qu’en démocratie, l’Etat ne peut accepter une telle distorsion qui entraîne inévitablement une rupture de l’égalité des chances. Cette égalité est pourtant le présupposé d’un fonctionnement normal, efficace et harmonieux de notre société. Elle constitue aussi le fondement même de la Convention internationale des droits de l’enfant. Laquelle  fait de la gratuité de l’enseignement primaire une obligation et impose l'instauration de la même  gratuité, voire l'offre d'une aide financière en cas de besoin en ce qui concerne l’enseignement secondaire. 


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